Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/02/2014

Révoltant  : Dexia, banque en démantèlement, augmente de 30 % la rémunération de ses dirigeants

Cette provocation indigne la France et la Belgique :

 


En faillite en 2008, Dexia a été renflouée (deux fois de suite) par l'Etat belge et l'Etat français devenus actionnaires  à 44 % et 50 % : ce qui a coûté pour l'instant 6,6 milliards d'euros au contribuable français. Avec d'autres scandales à la clé... Car Matignon s'est porté garant de Dexia : mais Dexia avait vendu aux collectivités territoriales des produits financiers véreux, contrats à taux variables baptisés « Tofix » (!), désinformation sur les risques, prêts indexés sur des monnaies étrangères... Soufflés par l'explosion des taux d'intérêts après la crise financière de 2008 (elle-même issue des produits financiers toxiques à l'échelon international), une centaine de maires poursuivent Dexia en justice, et le scandale risque de se traduire par une centaine de condamnations ; l'Etat français étant garant de Dexia, ces condamnations devront à nouveau être supportées par le contribuable ! Situation dont le gouvernement espère s'être prémuni dans la loi de finances, à l'aide d'une combine impliquant une transaction entre les maires et la banque... Mais les maires ne l'entendent pas de cette oreille, etc.

Et voilà que Dexia décide, au 1/01/2014, d'augmenter de 30 % (450 000 euros) trois membres de son comité de direction : le directeur financier Pierre Vergnes, le « responsable des risques » Marc Brugières et le secrétaire général Johan Bohets ! Explication alléguée : « Dans le contexte particulier de Dexia, la gestion en extinction (sic) est un métier complexe qui demande des compétences pointues et des professionnels expérimentés. Les décisions prises par le conseil d'administration et annoncées le 13 décembre 2013 sont en ligne avec les pratiques de marché et conformes aux législations en vigueur. »

« En ligne avec les pratiques du marché » et « conformes aux législations en vigueur » ? Ça veut dire que l'inqualifiable augmentation est couverte par nos lois, elles-mêmes indexées sur les « pratiques du marché »...

Stupeur gênée dans la classe politique, droite et gauche confondues !

M. Moscovici tousse : « il s'agit là d'une décision inappropriée. » Le député Mandon suggère : « Le groupe socialiste souhaiterait que le conseil d'administration de cette banque redélibère sur cette question... »

Hier 19 février, Dexia, bon prince, annonce qu'elle veut bien ne payer ses trois « extincteurs » que 420 000 euros (au lieu des 450 000 annoncés). Et réduire un peu les augmentations des autres membres du comité de direction.

Personne ne dit ce qui pourtant est une évidence : que la simple idée d'augmenter les dirigeants de Dexia relève de la provocation.

On sait ce que le pape François pense de ce système financier. Le silence de blogs catholiques français sur le scandale Dexia serait lui-même... scandaleux.

 

Commentaires

LICENCIEZ LES DIRIGEANTS !

> Si la banque était en faillite c'est que ces dirigeants n'ont pas pris les bonnes décisions, n'ont pas su prévoir.
Pourquoi n'est-ce pas eux qui sont licenciés ?
Non seulement les dirigeants incompétents ne sont pas licenciés et leurs employés le sont à leur place, mais ces dirigeants sont augmentés.

Et il y en aura encore qui ne comprendront pas que les Etats sont au service de la finance (même quand elle est nulle).
L'étatisme socialiste rejoint l'individualisme libéral après l'avoir rejoint dans l'internationalisme froid (dans les années 90).
Je croyais que l'axiome du libéralisme c'était de ne pas financer ce qui ne marche pas ?
N'est-on pas là devant un cas d'incompétence subventionnée ?
comme au théâtre du Rond Point, dans un autre genre ;-)
En plus, c'est un encouragement à l'imprévoyance ("si je fais des conneries, pas grave, tu me sauves")

Et ces dirigeants, bon libéraux, sont certainement les premiers à dire que "il faut moins d'Etat"
Eh bien, prenons-les au mot !
______

Écrit par : E Levavasseur / | 20/02/2014

ESCROQUERIE ?

> Dans cette lamentable affaire il importerait surtout, je pense, d'initier contre X une procedure pour escroquerie en bande organisee. A ma connaissance, une commune l'a fait. Une seule a eu le courage (l'honnetete?) e le faire.

Je dis 'l'honnetete' parce que je pense que le scandale Dexia va au-dela de ce que vous imaginez. C'etaient des emprunts speculatifs crees a l'aube de l'avenement de l'euro triomphant, qui devait tout ecraser sur son passage, et donc qui devaient permettre de continuer a s'endetter'pour claquer du fric' a bon compte, ou pour au moins gagner des marges de manoeuvre financiere sans avoir a sacrifier aux economies possibles.
______

Écrit par : christophe b / | 20/02/2014

???

> Faut-il jeter à la mer le capitaine d'un navire qui a fait l'erreur de conduire son navire dans la tempête ? Est-ce bien le moment ?

Sous le scandale apparent, et le discours justificatif, qu'est-ce qui a présidé RÉELLEMENT à cette augmentation de salaire ? A quelle problématique ont été confrontés les décideurs, pour accepter d'avaler la pilule ? On n'arrive pas à ce niveau de décision sans être capable d'anticiper le scandale et de percevoir les enjeux médiatiques.

QU'EST-CE QUE J'IGNORE ? QUE SE SERAIT-IL PASSE SI CETTE AUGMENTATION N'AVAIT PAS ETE VOTÉE ?
______

Écrit par : Pierre-Antoine V / | 20/02/2014

LES BANQUES

> Curieuse expression, n'est-ce pas, que celle d'avocat du diable, qui consiste en réalité à se faire l'avocat d'un peu de vérité (et on sait bien qui est la Vérité :)
Bon, je vais tout de même endosser ce rôle sur un sujet que je connais un peu. Quitte à passer pour le diable ...

La problématique est celle du salaire excessif des patrons en général, mais le cas Dexia n'est pas plus scandaleux qu'un autre et je dirais même moins vu les enjeux.
Eric, il est bien évident que les patrons qui ont mené Dexia à la déroute ont été virés illico-presto. Il ne reste plus qu'une personne du top-management initial. A vrai dire, même les patrons appelés ensuite en catastrophe par les gouvernements pour essayer de redresser la barre ont été virés. Ils n'ont pas démérité à mon sens, mais malgré leurs efforts, la malade était encore trop faible pour supporter la seconde crise (celle sur les dettes européennes en 2011). Vu ce qu'ils se sont pris dans la g*** suite à leur échec, pas étonnant que les gouvernements aient ramé pour trouver quelqu'un qui accepte à nouveau de relever le défi.

Sur les augmentations, je ne connais pas le détail des cas, mais celui que je connais (et je pense que cela vaut pour d'autres aussi) correspond en réalité à une promotion. Le CFO (numéro 2 de la banque) ayant pris sa retraite, il a été remplacé par son adjoint. Certes, la promotion de celui-ce s'est accompagnée d'une augmentation, mais en fait, d'une réduction des coûts. L'ancien CFO était payé 600 000 euros, le nouveau devait toucher 450 000 et ce sera finalement 420 (soit en réalité une baisse de 30% par rapport au passé).

Encore une fois je ne défends pas ici le montant de ces rémunérations. Mais je recadre un peu le contexte parce que je suis parfois effrayé de ce que des gens a priori sensés finissent par être prêts à gober du moment que ça concerne les banques (du genre vous, Eric: vous imaginez vraiment que les dirigeants de cette débâcle auraient pu ne pas être licenciés et qu'ils demanderaient même aujourd'hui des augmentations?)

Bon, il faudra un jour que je prenne le temps de faire le tri entre les vrais scandales du monde bancaire (par exemple pour Dexia: certes les dirigeants ont été virés, mais ils se sont tous recasés et parfois très bien, voir avec l'aide de l'Etat; en particulier en France: vous pensez, des ENA et des polytechniciens, on ne va pas se priver de tels talents juste pour une petite erreur de jugement) et ce qui relève par contre de la fumisterie (par exemple l'idée que les banquiers raisonnent en se disant: de toute manière si on fait des conneries, l'état nous sauvera. Ni les patrons ni les actionnaires ne pensent comme ça, simplement parce que ce n'est pas ça leur intérêt). Mais il y en aurait pour des pages ..

luc2


[ PP à L. :
- Certes.
- Mais on n'empêchera pas M. et Mme Tout-le-monde de penser que les rémunérations de ce milieu sont scandaleusement trop élevées. En elles-mêmes. Et par rapport au rôle des banques dans le chaos global...
- ...même si les banques ne sont elles-mêmes qu'un élément de la machine globale. ]

réponse au commentaire

Écrit par : luc2 / | 20/02/2014

@ Luc2

> Merci beaucoup pour ce commentaire très éclairant.
______

Écrit par : Pierre-Antoine V / | 21/02/2014

@ luc2

> "Ich habe es nicht gewolt" : je n'ai pas voulu cela.
C'est ce que Guillaume II a dit en ...1918 une fois que tout le mal était fait (et après avoir été détrôné !)
Une banque ne cherche pas à perdre pour le plaisir de mettre des gens au chômage (ce que disait Arlette).
Mais quand elle est complètement aveuglée au point de faire tout ce qui va l'amener à cela quand bien même elle ne le veut pas, on ne va tout de même pas les innocenter au nom de leurs bonnes intentions ?
Un con arrive très bien au même résultat qu'un salaud et en plus il a bonne conscience : "je n'ai pas voulu cela".

On n'observe aucun profil bas, aucune humilité chez les nouveaux qui commencent par accepter une augmentation de 30% par rapport aux précédents ...(donc quelle assurance que cela ne va pas recommencer ? ce qui leur fait accepter le poste c'est l'argent) et chez ceux qui sont partis, ils l'ont fait les poches bien remplies et se sont recasés sans problème.
Vous appelez ça "être viré" vous ?
Ils sont été déplacés, c'est tout.
Ils restent dans l'univers financier, ici ou ailleurs (vous le dîtes vous mêmes). Il n'y a pas de réorientation de la politique.
Les uns parlent de "l'omniprésence de l'Etat", les autres pulvérisent "le privé" alors qu'ils se nourrissent l'un l'autre pour eux mêmes au lieu de collaborer pour le bien commun.

-"ce qui relève par contre de la fumisterie (par exemple l'idée que les banquiers raisonnent en se disant: de toute manière si on fait des conneries, l'état nous sauvera" :
J'ai dit que c'était "un encouragement" à se comporter de la sorte.
Et d'ailleurs ? qu'observe t-on ?
Où est la fumisterie entre observer que tel comportement aura fatalement telle conséquence étant donnée la nature humaine et s'indigner qu'on puisse le prévoir ?
L'avocat du diable n'est pas dupe du diable.
Leurs carrières en ont-elles souffert ? Non et vous le dites vous mêmes.
Ce sont des Guillaume II : "on a fait des bêtises mais on ne voulait pas, vous savez."
______

Écrit par : E Levavasseur / | 24/02/2014

FIN (LIBÉRALE) DE LA SANTÉ POUR TOUS

> Et pendant ce temps, ce qui était acquis dans les pays occidentaux depuis des décennies disparaît à toute vitesse : la santé pour tous, par exemple. Mais cela ne saurait être la faute du libéralisme dérégulé - et puis, ça commençait à bien faire, tous ces parasites.

http://www.lshtm.ac.uk/newsevents/news/2014/greece_health_crisis.html
______

Écrit par : Christian / | 24/02/2014

DEUX JESUITES

> Voici un article bien tendancieux. La vision de l'économiste jésuite Giraud est particulièrement simplifiée et déformée alors que celle de Sirico, jésuite aussi, semble, sur certains points, bien éloignée de l’Évangile et de la DSE (l'auteur cite bien mal à propos JPII). Il y a confusion entre les thèses des deux économistes et les commentaires de l'auteur. Un exemple de malhonnêteté intellectuelle flagrante et désolante de la part de chrétiens.

http://www.aleteia.org/fr/economie/article/deux-pretres-jesuites-sopposent-sur-le-capitalisme-et-le-role-de-letat-5845544207384576

Sur Alétéia le 14/03/2014

Deux prêtres jésuites s’opposent sur le capitalisme et le rôle de l’État
Si le père Giraud et le père Sirico font tous deux les mêmes constats, les conclusions qu'ils en tirent sont pour le moins divergentes .
Solène TadiéDU MÊME AUTEUR (51)14.03.2014 // IMPRIMER

71
10
3
© Public Domain
Le père Gaël Giraud, économiste de formation, dénonce la collusion entre les banques et la haute finance publique. L’auteur du livre L’illusion financière est révolté par les connivences entre instituts bancaires et organes gouvernementaux, opérées au détriment du peuple, qui se trouve spolié pour permettre aux gouvernements de voler au secours des banques en faillite:

« A Dublin, le gouvernement, sous la pression de la troïka [Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international] a osé vider le fond de financement des retraites des Irlandais pour payer les dettes de ses banques naufragées », raconte-t-il lors d’une interview accordée à Marianne. Et au sujet de la loi bancaire française: «Elle fusionne le fonds de garantie des dépôts des Français avec le fonds de sauvetage du système bancaire. Banques et fonds spéculatifs peuvent donc puiser dans le fonds de garantie des déposants pour se sauver en cas de crise. Les déposants français ne sont donc plus assurés.»

Le père Giraud estime que c’est précisément cette collusion qui paralyse notre société. En d’autres termes, ce qu’il dénonce est bien la malveillance et la cupidité de certains hauts fonctionnaires qui passent des arrangements avec une poignée de puissants acteurs financiers, aux frais du contribuable.

Toutefois, le père Giraud en appelle à une réforme de l'euro et à un engagement de l'Europe en faveur d'un protectionnisme écologique et social... La règlementation des marchés financiers est à son sens «nécessaire» et le libre-échange entre pays présente un grand danger qu’il faut absolument contrôler. Un programme pour le moins étatiste, qui a quelque chose de surprenant puisque tous ses constats mettent directement en accusation les agissements peu scrupuleux des acteurs gouvernementaux.


Pour le père Robert Sirico, jésuite auteur du livre Défendre le libre-marché, le recours à encore plus d’intervention de l’État aggraverait considérablement la situation de nos sociétés, puisque l’État lui-même en est responsable, notamment par le biais du capitalisme de copinage (1) entre gouvernement et entreprises (ou banques). La solution la plus effective serait justement de se soustraire à l’imposant appareil bureaucratique qu’est l’État.

Dans les cas dénoncés par le père Giraud, les gouvernements ou la banque centrale volent au secours des grandes banques en faillite (bien souvent après avoir commis des erreurs), et ce avec l’argent des citoyens qui n’en sont pourtant pas les responsables. Le père Sirico éprouverait le même sentiment d’injustice mais préconiserait plus simplement de laisser les banques faire faillite, afin que ces dernières prennent leurs responsabilités.

Le philosophe et théologien moraliste est en effet un fervent défenseur de l’économie de marché libre. Celui-ci explique dans un article que «l’État interventionniste est loin d’avoir répondu aux attentes que l’on mettait en lui» et en dénonce les effets pervers, sur les plus pauvres notamment: «L’action gouvernementale peut entraîner en effet la création d’une bureaucratie impersonnelle dont les pauvres seront dépendants et qui finalement sera pour eux une source d’humiliation […] Dans les pays développés, les bureaucrates peuvent avoir tendance à améliorer leur situation personnelle plutôt que de s’attacher d’abord à améliorer le sort des plus pauvres. Les prélèvements fiscaux n’ayant pas de limites, ils prélèvent ainsi une part de plus en plus grande de la richesse produite par le secteur privé.»

Profitons-en pour relire ces mots de Jean-Paul II particulièrement adaptés au contexte :

«En intervenant directement et en privant la société de ses responsabilités, l’État de l’assistance provoque la déperdition des forces humaines, l’hypertrophie des appareils publics, animés par une logique bureaucratique plus que par la préoccupation d’être au service des usagers, avec une croissance énorme des dépenses. En effet, il semble que les besoins soient mieux connus par ceux qui en sont plus proches ou qui savent s’en rapprocher, et que ceux-ci soient plus à même d’y répondre».

Le père Sirico est convaincu que le libre marché bénéficie aux pauvres car il est fondé sur la protection des droits de propriété, la liberté des contrats, et l’esprit d’entreprise. Au cours d’un entretien au sujet de son livre, il explique que dans une économie de marché libre, la façon la plus efficace pour les personnes de poursuivre leur amour de la richesse est de servir les autres en proposant des biens utiles et à bon prix.

Toujours de son point de vue, le marché libre fondé sur la responsabilité a la vertu de réguler les comportements nuisibles. Il est par ailleurs un système souple et ouvert, qui permet de ce fait à la philanthropie de s’exercer mieux que dans tout autre système:

« Les pauvres sont les plus vulnérables dans toute société. Le meilleur remède à la pauvreté est une économie en croissance. Une telle économie fournit des emplois, des rémunérations plus élevées, de meilleures possibilités de carrières ou de réussite personnelle. Or une économie ne peut être en croissance que si le marché peut fonctionner de façon suffisamment efficace.
[…] La solution n’est pas alors d’entraver ou de détruire les institutions qui sont à la source du développement économique, mais plutôt de favoriser une éthique où ceux qui possèdent devront se pencher sur le sort de ceux qui n’ont pu bénéficier de ce développement et les aider.»


(1) Le capitalisme de connivence (ou de copinage) consiste pour un État à soutenir les intérêts de certaines entreprises, soit par corruption, soit à des fins politiques. Dans le cas des banques, qui est en question dans cet article, les grandes banques brandissent la menace du "risque systémique" pour exiger un renflouement par l’État ou par la banque centrale suite à leurs erreurs.


sources: Marianne , Acton Institute , Nicomaque II
______

Écrit par : marie-ange / | 14/03/2014

UN TRÈS PETIT NOMBRE

> C'est que, dans ce milieux, nous ne sommes plus dans un système de libre entreprises indépendantes les unes des autres. Ce sont les mêmes quelques dizaines de personnes qui tiennent les présidence générales et les sièges dans les conseils d'administration et qui se tiennent par la barbichette "si tu me fait sauter mon bonus à la direction du groupe X, je ferai campagne pour te faire sauter le tien chez Y. Et de fait, il y a en plus les copinages dans la haute fonction publique et les syndicats professionnels.
______

Écrit par : Pierre Huet / | 17/03/2014

@ Eric (avec bcp de retard, sorry ...)

> Un petit mot d’excuse tout d’abord. Quand j’ai écrit que l’affirmation selon laquelle les « banquiers » prennent des risques inconsidérés parce qu’ils misent sur le soutien de l’état était une « fumisterie », je ne vous visais pas. Plus exactement, je n’étais pas conscient que c’est un argument que vous aviez vous-même repris dans votre intervention. Si tel avait été le cas, j’aurais employé une formule moins agressive. Fumisterie est d’ailleurs un terme un peu excessif : je dois moi-même éviter de tomber dans le travers que je reproche à d’autres (et qui m’horripile), à savoir proférer des jugements péremptoires sur des sujets qu’en réalité je ne maîtrise pas complètement. Disons donc plus humblement que cela ne correspond pas à ce que j’observe du fonctionnement d’une banque et que cela me semble relever d’un raisonnement absurde. Voici pourquoi. Tout d’abord, qui désigne-t-on par « banquiers » ? Le top-management de la banque ou ses actionnaires ? Pour le top-management, la situation est simple : si sa banque en vient à devoir réclamer l’aide de l’état, il est probable qu’il se fera virer. Peu lui chaut donc ensuite que l’état intervienne ou pas. Les actionnaires n’ont pas non plus envie que l’état doive intervenir, parce que mine de rien, ça coûte très cher. Dire que l’état intervient pour « sauver la banque » est trop général : l’état intervient d’abord pour sauver l’épargne des contribuables, accessoirement pour éviter un éventuel effet domino comme cela a été le cas avec la chute de Lehman Brothers. Mais il ne se soucie guère (et à raison, heureusement !) de sauver les avoirs des actionnaires. Le cas de Dexia est exemplatif : au plus haut, juste avant la crise, Dexia valait près de 30 milliards d’euros. Maintenant, plus rien. C’est comme ça : en montant absolu, ce sont de loin les propriétaires de la banque qui ont le plus perdu : 30 mias d’euros ! En pratique, ça ne change rien pour eux que l’état soit intervenu.

Dire que la garantie implicite de l’état n’intervient ni dans le raisonnement « stratégique » des dirigeants, ni dans celui des propriétaires de la banque ne signifie pas qu’il n’y a pas des effets pervers. Le principal étant à mes yeux le déséquilibre des bénéfices face aux risques. Cela vaut pour les dirigeants comme pour les traders et plus généralement ceux dont le métier consiste à prendre des risques. Si d’un côté on a la possibilité d’amasser des fortunes pendant quelques années et que de l’autre, le risque ne va pas plus loin que perdre sa place si ça tourne mal, on est très tenté de prendre trop de risques qui rapportent à court terme. Raisonnement que seront moins tentées de tenir les actionnaires (c’est avec leurs billes que l’on joue). Et encore … la catastrophe est toujours incertaine, le bénéfice à court-terme par contre, très tentant.

C’est vrai par ailleurs que les plus grandes banques bénéficient d’un avantage concurrentiel en ce sens que la garantie implicite des états leur permet d’emprunter à meilleur marché. En contrepartie, les nouvelles normes bancaires vont leur imposer d’être plus capitalisée, proportionnellement, que les plus petites banques. Mais je doute que cela compense l’avantage. Pour ma part, je ne trouverais pas choquant qu’il y ait un effet rétro-actif : on pourrait dire aux actionnaires de la banque (voire au top-management) : vous avez engrangé pendant plusieurs années des bénéfices indus, liés à une prise de risque excessive et maintenant, c’est à la collectivité de payer les pots cassés. Si votre capital ne suffit pas à éponger les pertes et que l’état doit contribuer, celui-ci pourra éventuellement aller plus loin et vous demander de rembourser une partie de vos bénéfices passés. Pourquoi pas ?

Bon, dans le cas de Dexia, ça aurait été compliqué, parce que les principaux actionnaires étaient publics ou très liés au secteur public. En Belgique : les communes belges et la société coopérative des syndicats sociaux-chrétiens ; en France, la Caisse des Dépôts et Consignation. Eh oui … les « responsables » de la pire débâcle bancaire de l’histoire européenne étaient a priori des investisseurs « bons pères de famille ». Au-delà des anathèmes, cela aussi mérite d’être étudié pour être compris.

Pour le reste, quand je tiens à jouer l’avocat du diable, c’est – comme j’ai déjà pu le dire par ailleurs – parce que je pense qu’il importe d’être précis. Non, la légitime indignation n’excuse pas le manque de rigueur. Au contraire : plus le sujet est important, plus il importe de le traiter à fond pour faire œuvre utile. Et puis, le sentiment d’humiliation d’une partie de la population est déjà assez grand et assez motivé. Nul besoin d’en rajouter avec des informations biaisées. Je termine donc en rectifiant à nouveau ce point – vous semblez m’avoir mal lu: non, le responsable dont je parlais n’a pas exigé une augmentation par rapport à son prédécesseur. C’est le contraire : il a été promu et donc augmenté (c’est le point qu’a mis en avant la presse), mais son salaire est 30% PLUS BAS que celui de son prédécesseur (tout en restant à un niveau indu, nous sommes bien d’accord).
______

Écrit par : luc2 / | 19/03/2014

Les commentaires sont fermés.